PROJET PÉDAGOGIQUE DE L’ÉCOLE

Un bachelier artistique

L'Ecole Supérieure des Arts de l'image LE 75, fondée en 1969 à Bruxelles, propose un bachelier artistique dans quatre orientations du domaine des arts plastiques visuels et de l’espace : Graphisme, Images plurielles imprimées, Peinture et Photographie.

L’école revendique le bien-fondé de ce type de formation : le bachelier s’adresse à une population nombreuse qui, au sortir du secondaire, désire une formation spécialisée dans le domaine des arts de l’image pensée sur cette durée de trois ans. Ce type d’enseignement est très sollicité en Communauté française, et occupe une place essentielle dans le paysage social des formations.

À ce titre, l'ESA LE 75 offre un enseignement spécifique. Elle entend affirmer cette identité singulière en construisant sur cette durée un cursus cohérent qui réponde à cette demande tout en permettant aux étudiants qui le désirent de poursuivre ailleurs — dans l’esprit de Bologne — des «masters» complémentaires.

Le caractère artistique de cet enseignement suppose de la part de l’étudiant engagement, motivation et implication personnelle tout au long de son cursus.
L’école compte 230 étudiants : cette dimension moyenne permet le développement de relations humaines de grande qualité à tous les niveaux, tout en intégrant dans ces relations de nombreux échanges internationaux.

UN PROGRAMME ÉQUILIBRÉ POUR UNE «FORMATION À L’IMAGE»

Des cours artistiques : un ensemble cohérent

Les orientations offertes sont les suivantes :

L’orientation Graphisme travaille la typographie, le rapport texte/image, la mise en page et les techniques de narration ainsi que la communication visuelle de type culturel, politique ou publicitaire. Elle induit ainsi dans la création une réflexion critique et une implication large dans les enjeux de société.

L’orientation « Images plurielles » imprimées mixe pratiques traditionnelles et technologies contemporaines : dessin, sérigraphie, gravure, art du livre, photographie et infographie se réinventent ensemble dans une perspective de création autant que de maîtrise professionnelle. A ce titre, elle ouvre une réflexion critique sur les médias contemporains.

L’orientation Peinture propose une découverte progressive et méthodique de son langage formel et de ses gestes techniques à travers le suivi très individualisé des imaginaires personnels et des explorations singulières. Elle ouvre donc un champ plus indéterminé et plus aventureux en phase avec les dimensions poétiques de la création picturale d’aujourd’hui.

L’orientation Photographie est ouverte à toutes les dimensions du médium. Elle privilégie une vision d’auteur centrée sur la création plastique en tant que langage et le documentaire en tant qu’interrogation du monde.
Cette formation passe par les apprentissages techniques et artistiques, dans le domaine argentique tant que numérique. Elle exige l’acquisition de connaissances historiques ainsi qu’une réflexion critique et place le travail de l’image au cœur des questions contemporaines.

Une formation transversale aux techniques numériques sous-tend les savoir-faire de toutes les options.

Des cours techniques : des compétences indispensables

Chaque orientation exige une gamme d’apprentissages techniques particuliers destinés à maîtriser les gestes essentiels qui lui sont propres, ou à s’initier à des savoir-faire complémentaires destinés à enrichir et à décloisonner les pratiques.
Ainsi les techniques photographiques et informatiques sont-elles enseignées dans toutes les orientations, dans l’esprit d’une transversalité qui correspond à des enjeux de création véritablement contemporains.

Des cours généraux : une formation critique et méthodologique

Histoire de l’art, de la photo, du graphisme, analyse de l’image, histoire et actualité des médias, littérature, musique, cinéma, notions d’économie, droits d’auteurs, sociologie générale et méthodologie de la recherche. Ces disciplines sont articulées en fonction des exigences propres à chacune des options de l’école.
Elles construisent un support de connaissances et un socle théorique indispensables au développement d’une pensée autonome et à la capacité de mener des démarches prospectives à travers des recherches inédites.
On insiste aussi sur le caractère prospectif et aventureux des recherches sur des territoires inédits du savoir.

Un regard libre et critique

Au sein de ce périmètre, la création des étudiants se fait en prise directe avec la production des images d’aujourd’hui. Les expressions contemporaines, en art et dans les médias, doivent donc être décodées par des cours théoriques livrant les outils d’une analyse critique.
En face du tourbillon des images plus ou moins commerciales diffusées par les médias, et devant certaines violences économiques et régressions idéologiques, la mission de l’école est d’analyser non seulement le contenu et les codes de ces images, mais aussi les structures de communication – politiques et économiques – dans lesquelles elles sont prises, et qui conditionnent leur réception.
L’école tient en outre à affirmer le rôle qu’elle a à jouer dans le cadre du service public : développer, au cœur de ses propres compétences, les outils de la critique pour une pensée libre, autonome, ouverte au doute, au débat contradictoire et à la recherche permanente du sens, indépendamment de tout impératif idéologique ou confessionnel.

Citoyenneté et convivialité

Les différents conseils et instances de délégation prévus par les décrets sont autant d’occasions pour l’étudiant d’apprendre l’exercice raisonné des pratiques démocratiques et, pour chacun, l’exercice de ses droits et devoirs. Cet apprentissage constitue une mission essentielle de l’école, qui, au-delà de sa formation artistique, doit garantir la formation de personnes responsables, capables de conscience sociale et d’implication au sein de la société.
Cet aspect « structurant » de la vie de l’école n’empêche en rien, au contraire, que s’y développe un haut niveau de convivialité, à travers des rencontres informelles et des événements festifs, qui nourrissent des rapports humains de qualité : en effet, dépassant l’individualisme et la compétition entre les personnes, ils garantissent au contraire le plaisir du « vivre ensemble », ciment essentiel de toute vie sociale.

UNE PÉDAGOGIE OUVERTE

À l’intérieur même des équipes

Une des missions de l’école et en particulier d'une école d'art, est de dépasser les individualismes, pour promouvoir les valeurs de coopération et d’émulation réciproque, mais aussi de permettre la richesse des débats contradictoires, tout en maintenant un esprit de respect des différences et de convivialité dans les échanges.

Chaque orientation élabore donc son programme par la concertation entre professeurs, qui veillent à la complémentarité de leur enseignement. Ainsi, objectifs, méthodes, contenus et processus d’évaluation sont-ils régulièrement analysés, débattus et reformulés au sein de chaque cours et au sein des équipes.

Les cours théoriques veillent aussi à se coordonner entre eux et à se préoccuper de leur impact sur les apprentissages artistiques dispensées dans les options.

Il est donc souhaitable que les professeurs des cours généraux soient impliqués dans les démarches artistiques des étudiants, notamment par les travaux de recherche interdisciplinaire et la présence aux jurys. La recherche s’établit ici comme relais entre savoir et création.

Sur la vie professionnelle

Les équipes de professeurs créent des dynamiques fertiles, par la mise en contact des étudiants avec des acteurs de la vie professionnelle de haut niveau, via des échanges, des stages à l’extérieur, des workshops, Erasmus et voyages à l’étranger, des conférences ou des événements ponctuels destinés à ouvrir de larges horizons.

Sur la vie culturelle extérieure

Etre située à Bruxelles, l'une des villes les plus multiculturelles au monde, constitue un atout important pour une école d'art. A côté des événements et opportunités culturelles foisonnantes dans la capitale, l'école a également développé des partenariats rapprochés avec un ensemble culturel extrêmement riche. Ainsi, Wolubilis, la Médiatine et Wolu-Culture constituent un véritable pôle avec lequel se nouent régulièrement des synergies : expositions, rencontres, conférences et débats sont organisés en commun.
L’école pourrait d’ailleurs constituer un relais entre ses partenaires pédagogiques et cette excellente « caisse de résonance » culturelle pour des événements et expériences riches en enseignements.

Sur les champs disciplinaires voisins

Ces pratiques sont en appel de connexions avec des champs disciplinaires voisins, qu’il est indispensable de développer : partenariats avec les écoles complémentaires - journalisme, art de diffusion, musique, ou art du spectacle - et contacts avec des facultés de communication ou d’histoire de l’art contemporain.

C’est ainsi que l’arrimage de cette « formation à l’image » qu’est l'ESA LE 75 à des entités plus larges et complémentaires, partageant ces convictions, s’avère indispensable.

Il sera donc pertinent d’envisager des synergies avec ces écoles analogues, pour un pôle de complémentarités offrant, sans doute dans le cadre d’accords avec l’université, de nouvelles perspectives de développement.

Ces écoles, plus fortes parce que regroupées et solidaires, pourraient d’ailleurs faire mieux valoir les qualités de leur enseignement et la pertinence de leur programme de bachelier dans le cursus général des études organisées en Fédération Wallonie-Bruxelles. Elles pourraient peut-être même envisager des prolongements vers la maîtrise, et les inscrire dans un paysage plus vaste, européen, qui leur donnerait leur vraie dimension.

RECHERCHE ARTISTIQUE

POLITIQUE DE RECHERCHE

La recherche est fondamentalement liée à toute activité artistique. L’art s’exprime parce que l’artiste se projette dans la réalisation de son travail, alors même que le but et les méthodes fixés au départ peuvent s’éloigner sensiblement du résultat final. Et si même l’artiste exécute au quotidien son activité artistique sans (re)présentation, il prendra à un moment donné un sens particulier à la réalisation de son œuvre en la visualisant mentalement ou concrètement alors même qu’il n’est pas  dans  l’attente de sa réalisation achevée. Dès lors se construit une activité de recherche artistique où le processus artistique s’élabore donc autour d’une recherche intrinsèque de l’artiste à l’origine de l’expression de son œuvre. De ce fait, Le Septantecinq définit ses objectifs pédagogiques en fonction d’approches réflexives, plus ou moins conscientes, à partir des pratiques de recherches artistiques modernes et contemporaines.

De par sa nature unique à offrir un Baccalauréat de type court dans l’une des quatre options du domaine des arts de l’image (Graphisme, Images plurielles imprimées, Peinture et Photographie), l’ESA Le Septantecinq propose un développement de recherche artistique personnalisée à travers l’apprentissage de techniques propres à la discipline choisie et le déploiement d’une formation artistique spécialisée et transversale. Autrement dit, le projet pédagogique de l’école est de consolider les spécialisations  par l’accompagnement de la démarche des étudiants,  qui est aussi celle de saisir les enjeux de leur matière artistique tout en les confrontant à d’autres domaines d’études. Ceux-ci sont variés, et pourtant ils ont tous une cohérence autour de la notion d’écriture de l’image dans son expression la plus vaste : la création littéraire, la création sonore, la performance, l’impression, l’édition, etc.

Les cours théoriques fournissent aux étudiants une base solide à la critique intellectuelle et académique, une force nécessaire pour exprimer ses engagements artistiques et pour trouver sa place dans les divers aspects du monde culturel et politique actuel. Parce que l’ESA Le Septantecinq reste une petite école, elle offre l’avantage de pouvoir développer ses programmes pédagogiques autour d’aspects historiques et théoriques du monde de l’art en lien direct avec la pratique artistique de l’étudiant, et cela en concertation constante avec son cheminement individuel. Dans ce sens, les cours théoriques sont amenés de plus en plus à se spécialiser en rapport avec le travail artistique de l’atelier. L’étudiant est donc continuellement incité à déployer une vision personnelle et critique du monde dans lequel il vit tout en abordant son travail d’une manière réflexive.

ACTIVITÉS DE RECHERCHE

Le Septantecinq conduit l’étudiant à être l’observateur du développement spécifique de sa recherche artistique à partir de grilles variées de lecture. En ce sens, nous ne pourrions  donner un panorama exhaustif de toutes les activités de recherche en cours.

Citons, par exemple, « Pratiques de la recherche », unité d’enseignement obligatoire pour tous les étudiants de première année. Cette unité se déploie selon une approche globale et personnalisée de la documentation propre à chaque étudiant faite d’accumulation et de classement. Et cela dans la perspective d’un soutien à l’identification de son processus de création. Une équipe d’enseignants en pratique artistique, technologique et théorique s’emploie ainsi à mettre en lumière avec chaque étudiant tout ce qui est produit, recherché, réfléchi, noté, exploré et expérimenté par lui-même. Des conférences d’artistes autour de leurs processus de recherche, mais également des visites guidées dans des bibliothèques et des médiathèques d’art et de recherche (la BAIU bibliothèque d’Architecture et Art de Bruxelles, la médiathèque d’Argos Centre for art and media...) sont organisées.

Pour l'année 2019-2020, l'artiste Lucille Calmel sera associé à l'école avec son projet de recherche art de la performance & Animaux. l'animal que donc je suis, qui a reçu le soutien du FRArt (Fond pour la recherche en art). Selon les mots de l'artiste: "Le projet de recherche artistique "l’animal que donc je suis" interroge la création avec ou pour des animaux non humains au sein de l'art de la performance. Cette recherche questionne en conséquence le lieu même de la performance, l'acte même de création, ses espaces et temporalités, Internet y compris, l'autorat, les modalités technologiques et processuelles de communication et de création avec les animaux, les conditions d’un partage avec un public. Afin de faire émerger des possibles et d'affiner des spéculations, les explorations éthiques et esthétiques de cette proposition prendront ancrage dans les écrits et interventions des penseurs/penseuses de l’art performance et des sciences animalières tout en s’enrichissant de la pratique des faiseurs et faiseuses, artistes, techniciens, éthologues. La spécificité de cette recherche inter-espèces requiert aussi une série d’expérimentations technologiques et performancielles. Seront ainsi convoqués : des animaux, des éthologues, des dresseurs, des groupes européens de recherche de communication et de création inter-espèces, une praticienne de l'hypnose, des artistes-performeurs, des machines, un hacker, des espaces Internet, des espaces à forte dominance animalière spécifiques au Japon, des chats célèbres sur Internet."

Avec son projet de recherche, Lucille Calmel interviendra dans différents cours, afin de profiter d'un dialogue interdisciplinaire avec les étudiant·e·s. En écho avec sa recherche, des autres artistes s'intéressant à des pratiques inter-espèces seront convoqués au sein du cours de Documentation et pratique de la recherche et travailleront avec les étudiant·e·s dans le cadre de workshops spécifiques: Geraldine Py et Roberto Verde, Alessandro Quaranta et Eléonore Saintagnan.

Depuis 2019, le 75 a lancé un appel à propositions, afin de soutenir concrètement des dynamiques de recherche au sein de l'école et de laisser fermenter des envies de recherche présentes et potentielles au sein du corps professoral, toutes disciplines et croisements confondus. Dans ce cadre, l'école se repense ainsi comme une pépinière, un lieu où se cultivent des processus en tant que tels, où naissent des spéculations, des réflexions et des cheminements singuliers, où s’inventent des manières de partager l’art et la vie, où s’agencent des multiples intentions et recherches. Sur bases des desirs et des besoins émérgées, des stratégies de soutien ont été ménées et adaptées aux singularités de chaque projet de recherche, par le biais d'un groupe d'accopagnement interne à l'école.

Citons aussi le Printlab, laboratoire expérimental, de recherche et de partage initié par l’ESA Le Septantecinq, autour des images imprimées. Le Printlab propose surtout de découvrir ce que l’on connaît des machines (celles que l’on a autour de nous) et comment leur donner d’autres tâches à accomplir que celles pour lesquelles elles sont manufacturées ou programmées. Les technologies *open-source sont privilégiées pour permettre l’interopérabilité des différentes machines et ouvrir l’espace à des pratiques extérieures (workshops, échanges d’informations via le web, projets communs avec d’autres structures). Il s’agit de construire des outils et expériences autour de collaborations, échanges et apprentissages collectifs au sein du Printlab.*

Responsable de la Recherche artistique : Dr. Christophe Alix
Coordinatrice de la Recherche artistique : Michela Sacchetto